Je vais essayer de te répondre mais sache que si dans mes réponses mon ton peut sembler passionné, peut-être rude, j'apprécie cette discussion :
swiiscompos a écrit:En fait par musique "abstraite" je voulais dire une musique très conceptualisée. Toute musique est conceptualisée, on est bien d'accord, mais j'ai l'impression que pour toi l'approche est primordiale sur le résultat. Ce qui te passionne, me semble-t-il, c'est la recherche qu'il y a derrière le morceau, les techniques mises en œuvre et surtout la recherche de la nouveauté
C'est vrai que j'effectue actuellement un travail de recherche sur les techniques , de les comprendre, et notamment celles de Boulez, mais pas que lui. Ce qui m'intéresse, c'est aussi le courant spectral (Murail, Dalbavie, Hurel, Durville, etc). Mais j'ai l'impression qu'il y a une chose que tu ne comprends pas venant de ma part, c'est que je viens de l'électronique, de l'électroacoustique et que ça fait tout juste un an que je me suis mis à écrire avec un éditeur de partitions. Si tu écoutes bien, tu remarqueras que je fais maintenant très attention aux articulations, aux dynamiques, aux entrées ou sorties d'instruments, aux textures.
Tu évites toute sonorité "conventionnelle", et même les autres (comme celles de l'IRCAM SI) tu les modifies souvent. Le problème avec cette démarche c'est que l'auditeur, s'il n'a pas une clef de lecture, risque de donner à la musique un sens complètement différent de ce que le compositeur voulait, car comme le dit Boulez:
On veut tellement être personnel que vous ne pouvez plus correspondre généralement comme lorsque vous avez une hiérarchie qui est plus ou moins acceptée par tout le monde
Je suis surpris par ce que tu me dis sur les sonorités. Car en fait, je ne les modifie pas spécialement. Je l'ai fait une fois ici avec "New York Alternative" (
http://soundcloud.com/deb76/newyorkalternative) où le même thème est exposé deux fois, la première avec des timbres d'ISI qui ont été quelque peu trafiqués pour obtenir une sonorité dirty, rude, urbaine et la seconde est faite avec les timbres de Brass 2 (Arturia), avec une consonance jazz.
Mais sinon, il est très rare que je modifie les timbres. Et ceux de l'Ircam Solo Instruments (ISI) que tu penses que je transformes, non, ce sont les timbres de la banque, des jeux contemporains intégrés à ISI. Il y a de l'aeolian, du multiphonie, du quart de ton, etc. Il y a même des timbres, notamment au niveau des cordes que je n'utilise pas ici car ils sont trop rudes. Mais ce sont des techniques instrumentales interprétées par les solistes de l'Ensemble Intercontemporain.
Cette hiérarchie étant évidemment le passé musicale, il y a donc un risque à trop s'en détacher et à devenir le seul à pouvoir comprendre sa musique. Et j'avoue que parfois on écoutant tes musiques je me dis qu'elles se ressemblent toutes énormément entre elles, car tous ces sons modifiés à l'aide des mêmes outils finissent par se ressembler. A mon avis tu gagnerait à parfois à moins conceptualiser et à plus penser musicalement. Penser à la beauté de la ligne mélodique, à l'équilibre de l'ensemble (pas à l'aide des maths mais des oreilles) et à être prêt à changer des choses même si ça va contre notre idée première, du moment que ça sert le discours musical. Par exemple Berg utilise une triade majeur à un des moments les plus dramatiques de son opéra Wozzeck, entièrement atonal sinon, et cet triade majeur donne une impression de désespoir, même si théoriquement on penserait le contraire...
Pourtant, je fais très attention aux dynamiques, aux entrées, aux sorties, au fondu entre les instruments, aux indications de jeu. Et tu dis que mes musiques se ressemblent, je ne suis pas trop d'accord avec toi. Simplement en partant sur mes participations ici sur les Noctaventures, j'ai l'impression, même si c'est dans un registre atonal, qu'il y a une certaine diversité. Et pour reprendre le thème de la
Tempête, comme tu peux le vérifier sur la vidéo il n'y a pas de chromatisme et le motif de l'intro est ni plus ni moins que la gamme par tons, ce qui, tu en conviendras n'est ni sériel ni dodécaphonique. Et en parlant de sériel ou dodécaphonique, dans l'exemple fait pour la Set
Theory, avec la contrainte que cela supposait, c'est à dire montrer des exemples avec des ensembles de trois (dont les triades issues de l'école de Vienne) à six notes, les possibilités de permutations, de transpositions, j'ai essayé de faire en sorte que le rendu soit musical. Et avant de le mettre en ligne, je l'ai fait écouter à quelques personnes et j'ai eu de très bons échos. De plus, point de timbres modifiés, ce sont exclusivement des instruments de Notion 3. Quant à penser la la beauté de la ligne mélodique, elle m'intéresse mais pas dans ton registre. Je la souhaite atonale, ça c'est clair. Tu évoques équilibre de l'ensemble (pas avec les maths mais avec les oreilles), je ne sais pas ce que tu entends par "équilibre", car si il y a une chose à laquelle je fais attention, c'est justement ça. Si tu écoutes bien, tu constateras qu'il y a tout un travail sur les dynamiques, les mixages entre instruments, les textures obtenues. Je l'ai particulièrement soigné dans le grand Schtroumpf :
http://www.deb8076.eu/Videos/SchtroumpftsNocta.mov qui m'a valu, je puis te l'assurer, un très bon résultat, du style, "il y a de multiples couleurs", "ça raconte une histoire", "c'est musical". Ce qui ne veut pas dire, qu'il ne faut pas progresser. Pour le moment, j'apprends à maîtriser avec la notation classique un langage que j'espère pouvoir intégrer à des dispositifs électroniques.[/quote]
Bref, je fait des phrases très longues et alambiquées et j'ai l'impression de dire ce qu'il faut faire ou pas... Mais il faut le prendre comme un avis personnel, je pense que d'autres ne seront pas d'accord, que j’espère constructif!
Pas de problème, je le prends comme ça, et crois-moi j'apprécie. Et surtout, je le redis, ne prend pas mon ton passionné comme négatifn bien au contraire, je défends mon point de vue.
[/quote]L'interview de Boulez, très intéressante, est ici:
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=R6hYMN0EoREUne autre chose très intéressante qu'il dit dans cette vidéo c'est:
Très curieusement on s'est aperçu à un moment donné que une extrême discipline et un total hasard produisent un peu près les même résultats.[...] De voir que au-delà de certains limites on bascule dans la même indifférence...
[/quote]
Oui, je connais cette vidéo. Mais n'est-ce pas Boulez lui-même qui a cultivé dans
Polyphonie,
Structures I, une extrême discipline ? La lecture des notes concernant
Le Marteau sans maître, de
Tombeau, leurs documents préparatoires, leurs combinatoires, sont soigneusement préparées. Mais n'est-ce pas Boulez lui-même aussi qui déplore l'utilisation des triades viennoises devenues très académiques alors que son oeuvre en regorge. De même, sur certains sites de mélomanes ça vaut le coup de lire les commentaires sur Pierre Boulez et sa musique. Ils sont souvent très hostiles : [url=http://classik.forumactif.com/t449-pierre-boulez-vs-pendu?highlight=BoulezJe vais essayer de te répondre mais sache que si dans mes réponses mon ton peut sembler passionné, peut-être rude, j'apprécie cette discussion :
swiiscompos a écrit:En fait par musique "abstraite" je voulais dire une musique très conceptualisée. Toute musique est conceptualisée, on est bien d'accord, mais j'ai l'impression que pour toi l'approche est primordiale sur le résultat. Ce qui te passionne, me semble-t-il, c'est la recherche qu'il y a derrière le morceau, les techniques mises en œuvre et surtout la recherche de la nouveauté
C'est vrai que j'effectue actuellement un travail de recherche sur les techniques , de les comprendre, et notamment celles de Boulez, mais pas que lui. Ce qui m'intéresse, c'est aussi le courant spectral (Murail, Dalbavie, Hurel, Durville, etc). Mais j'ai l'impression qu'il y a une chose que tu ne comprends pas venant de ma part, c'est que je viens de l'électronique, de l'électroacoustique et que ça fait tout juste un an que je me suis mis à écrire avec un éditeur de partitions. Si tu écoutes bien, tu remarqueras que je fais maintenant très attention aux articulations, aux dynamiques, aux entrées ou sorties d'instruments, aux textures.
Tu évites toute sonorité "conventionnelle", et même les autres (comme celles de l'IRCAM SI) tu les modifies souvent. Le problème avec cette démarche c'est que l'auditeur, s'il n'a pas une clef de lecture, risque de donner à la musique un sens complètement différent de ce que le compositeur voulait, car comme le dit Boulez:
On veut tellement être personnel que vous ne pouvez plus correspondre généralement comme lorsque vous avez une hiérarchie qui est plus ou moins acceptée par tout le monde
Je suis surpris par ce que tu me dis sur les sonorités. Car en fait, je ne les modifie pas spécialement. Je l'ai fait une fois ici avec "New York Alternative" (
http://soundcloud.com/deb76/newyorkalternative) où le même thème est exposé deux fois, la première avec des timbres d'ISI qui ont été quelque peu trafiqués pour obtenir une sonorité dirty, rude, urbaine et la seconde est faite avec les timbres de Brass 2 (Arturia), avec une consonance jazz.
Mais sinon, il est très rare que je modifie les timbres. Et ceux de l'Ircam Solo Instruments (ISI) que tu penses que je transformes, non, ce sont les timbres de la banque, des jeux contemporains intégrés à ISI. Il y a de l'aeolian, du multiphonie, du quart de ton, etc. Il y a même des timbres, notamment au niveau des cordes que je n'utilise pas ici car ils sont trop rudes. Mais ce sont des techniques instrumentales interprétées par les solistes de l'Ensemble Intercontemporain.
Cette hiérarchie étant évidemment le passé musicale, il y a donc un risque à trop s'en détacher et à devenir le seul à pouvoir comprendre sa musique. Et j'avoue que parfois on écoutant tes musiques je me dis qu'elles se ressemblent toutes énormément entre elles, car tous ces sons modifiés à l'aide des mêmes outils finissent par se ressembler. A mon avis tu gagnerait à parfois à moins conceptualiser et à plus penser musicalement. Penser à la beauté de la ligne mélodique, à l'équilibre de l'ensemble (pas à l'aide des maths mais des oreilles) et à être prêt à changer des choses même si ça va contre notre idée première, du moment que ça sert le discours musical. Par exemple Berg utilise une triade majeur à un des moments les plus dramatiques de son opéra Wozzeck, entièrement atonal sinon, et cet triade majeur donne une impression de désespoir, même si théoriquement on penserait le contraire...
Pourtant, je fais très attention aux dynamiques, aux entrées, aux sorties, au fondu entre les instruments, aux indications de jeu. Et tu dis que mes musiques se ressemblent, je ne suis pas trop d'accord avec toi. Simplement en partant sur mes participations ici sur les Noctaventures, j'ai l'impression, même si c'est dans un registre atonal, qu'il y a une certaine diversité. Et pour reprendre le thème de la
Tempête, comme tu peux le vérifier sur la vidéo il n'y a pas de chromatisme et le motif de l'intro est ni plus ni moins que la gamme par tons, ce qui, tu en conviendras n'est ni sériel ni dodécaphonique. Et en parlant de sériel ou dodécaphonique, dans l'exemple fait pour la Set
Theory, avec la contrainte que cela supposait, c'est à dire montrer des exemples avec des ensembles de trois (dont les triades issues de l'école de Vienne) à six notes, les possibilités de permutations, de transpositions, j'ai essayé de faire en sorte que le rendu soit musical. Et avant de le mettre en ligne, je l'ai fait écouter à quelques personnes et j'ai eu de très bons échos. De plus, point de timbres modifiés, ce sont exclusivement des instruments de Notion 3. Quant à penser la la beauté de la ligne mélodique, elle m'intéresse mais pas dans ton registre. Je la souhaite atonale, ça c'est clair. Tu évoques équilibre de l'ensemble (pas avec les maths mais avec les oreilles), je ne sais pas ce que tu entends par "équilibre", car si il y a une chose à laquelle je fais attention, c'est justement ça. Si tu écoutes bien, tu constateras qu'il y a tout un travail sur les dynamiques, les mixages entre instruments, les textures obtenues. Je l'ai particulièrement soigné dans le grand Schtroumpf :
http://www.deb8076.eu/Videos/SchtroumpftsNocta.mov qui m'a valu, je puis te l'assurer, un très bon résultat, du style, "il y a de multiples couleurs", "ça raconte une histoire", "c'est musical". Ce qui ne veut pas dire, qu'il ne faut pas progresser. Pour le moment, j'apprends à maîtriser avec la notation classique un langage que j'espère pouvoir intégrer à des dispositifs électroniques.[/quote]
Bref, je fait des phrases très longues et alambiquées et j'ai l'impression de dire ce qu'il faut faire ou pas... Mais il faut le prendre comme un avis personnel, je pense que d'autres ne seront pas d'accord, que j’espère constructif!
Pas de problème, je le prends comme ça, et crois-moi j'apprécie. Et surtout, je le redis, ne prend pas mon ton passionné comme négatifn bien au contraire, je défends mon point de vue.
[/quote]L'interview de Boulez, très intéressante, est ici:
http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=R6hYMN0EoREUne autre chose très intéressante qu'il dit dans cette vidéo c'est:
Très curieusement on s'est aperçu à un moment donné que une extrême discipline et un total hasard produisent un peu près les même résultats.[...] De voir que au-delà de certains limites on bascule dans la même indifférence...
[/quote]
Oui, je connais cette vidéo. Mais n'est-ce pas Boulez lui-même qui a cultivé dans
Polyphonie,
Structures I, une extrême discipline ? La lecture des notes concernant
Le Marteau sans maître, de
Tombeau, leurs documents préparatoires, leurs combinatoires, sont soigneusement préparées. Mais n'est-ce pas Boulez lui-même aussi qui déplore l'utilisation des triades viennoises devenues très académiques alors que son oeuvre en regorge. De même, sur certains sites de mélomanes ça vaut le coup de lire les commentaires sur Pierre Boulez et sa musique. Ils sont souvent très hostiles :
ici (le premier message est plutôt rude, surtout par rapport à Répons qui est très accessible) et
là.
Enfin pour conclure, c'est vrai aussi que j'aime bien une sorte d'ascétisme et, je vais, vraisemblablement te faire fuir, en t'incitant à visionner la vidéo d'un des compositeurs qui m'intéressent au plus haut point, Bryan Ferneyhough :
http://www.youtube.com/watch?v=hBlbFHl74Xw